La reine des soiffardes by Carter Brown

Auteur:Carter Brown [Brown, Carter]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier, Humour, Littérature australienne
Éditeur: Gallimard - Série Noire
Publié: 2014-07-02T00:00:00+00:00

CHAPITRE VIII

Il me faut un certain temps pour me remettre debout. Je m’appuie sur le parapet du balcon et me frictionne lentement le côté droit. Agenouillée près de Sanford, Paula lui tapote frénétiquement le visage. Je n’ai pas l’impression que ça fera grand bien à Sanford, mais ça fournit une occupation à Paula. Au bout d’un moment Sanford écarte la main de Paula, s’assied péniblement et dit d’un ton pâteux :

— A boire.

— Je vais voir si je trouve une bouteille quelque part, dit Paula.

— J’accepterais volontiers un verre, dis-je.

— Vous vous êtes vraiment conduit en héros ! me crache-t-elle avec mépris. Ce qui m’étonne, c’est que vous n’ayez pas fondu en larmes quand le gros lard vous a frappé.

Ses seins lourds tressautent librement quand elle se dirige rapidement vers les portes-fenêtres. Elle disparaît dans le salon. Les terribles élancements que je sentais dans le flanc droit ne sont plus qu’une douleur sourde et je commence à me sentir un tout petit peu mieux. Sanford parvient à se mettre debout, boitille jusqu’au parapet et s’y appuie lourdement. Une grosse mèche de cheveux grisonnants lui tombe sur un œil et la pâleur habituelle de son visage s’est accentuée au point qu’on croirait voir une apparition d’outre-tombe.

— Ce ne sont pas des hommes, ce sont des bêtes, dit-il d’une voix éraillée. Le gros est un sadique. J’ai bien cru qu’il allait me lâcher quand il me tenait au-dessus du parapet.

— La prochaine fois peut-être ? lui dis-je d’un ton plein d’espoir.

Paula revient sur le balcon en portant deux verres pleins. Elle en donne un à Sanford puis elle me tend l’autre. J’avale une grande lampée et pousse un petit miaulement. Le bourbon pur, qui semble titrer cent degrés, m’a ébouillanté du gosier jusqu’à l’estomac.

— Que vas-tu faire à propos de ces ordures ? demande Paula à Sanford. Tu vas prévenir la police ?

— Pas question ! dit-il en secouant violemment la tête. Je ne veux pas de publicité. Il ne faut pas que la mémoire d’iris soit ternie par un rapprochement possible avec ces animaux.

— Vous allez conclure un accord avec eux ? je demande.

— Vous êtes fou !

— Alors ils vont revenir, lui dis-je. Et la prochaine fois, ce sera encore pire.

— Je ferai le nécessaire pour qu’ils ne reviennent plus jamais ! dit-il d’une voix tendue. J’ai des relations qui s’occuperont de ces ordures !

— Que s’est-il passé quand Iris Merivale vivait ici ? je lui demande.

Il tourne lentement la tête et me regarde droit dans les yeux.

— Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, Holman.

Je lui réponds froidement :

— Est-ce que c’était au tour de Paula de vous regarder sauter Iris à travers le miroir sans tain ?

J’entends un petit gargouillement dans les profondeurs de sa gorge et vois le verre trembler dans sa main.

— Vous êtes un vrai salaud, Holman ! me dit Paula avec rage. Après tout ce qu’il vient de subir, vous ne pourriez pas lui fiche la paix ?

— Simple curiosité, ma chère.

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